Frédéric Chhum : Hors cadre

Frédéric Chhum est un visage connu du barreau de Paris. Aux manettes de son propre cabinet consacré au droit du travail (côté salariés) depuis dix-sept ans, l’avocat s’investit par ailleurs en faveur de la profession. Membre du conseil de l’ordre de 2019 à 2021, celui qui rêve d’une instance ordinale plus démocratique et plus sociale est candidat au bâtonnat en 2023. Il le sera de nouveau en 2024. Portrait d’un homme résolument engagé. 

Juin 2024

Un style flegmatique. Une démarche tranquille. Une façon d'aborder son interlocuteur simple, polie. Pas de costume ostentatoire ni de montre de luxe. Frédéric Chhum exerce son métier avec sérénité. Loin de l'”intelligentsia” du barreau d'affaires. “En réalité, il est tout sauf nonchalant, c’est un faux calme, soutient Marilou Ollivier qui collabore avec l’intéressé depuis plus de dix ans. Il est très sensible et très engagé. Que ce soit vis-à-vis des clients, dans le cadre du cabinet ou auprès de nos confrères. C’est quelqu’un d’authentique. Mais effectivement il n’est pas ‘bling bling’.” “C’est un confrère brillant qui, avec sa vision de la vie et de son métier, étonne, déroute, note l’avocat Cédric Labrousse. Il est à la fois très bon technicien et visionnaire.” Pratiquant le droit du travail, côté salariés, l’avocat – qui a posé sa plaque et fondé sa structure en 2007 après dix ans de collaboration dans les départements droit du travail de cabinets d’affaires – prône une approche humaine de la profession. Ses bureaux parisiens, situés à quelques encablures du square d’Anvers dans le 9ème, ont d’ailleurs quelque chose de familial. Comme ancrés dans la “vraie vie”. Qu’on ne s’y trompe pas. S’il affiche une simplicité apparente, le cabinet Chhum Avocats – qui compte aujourd’hui cinq professionnels – jouit d’une jolie réputation. Il faut dire que le fondateur applique une méthode apprise dans les cabinets d’affaires classiques : rigueur et exigence. “C’est un excellent juriste qui est à la fois précis, méticuleux et qui a réellement le sens de l’audience”, poursuit Cédric Labrousse, soulignant la confraternité sincère de l’intéressé. Attaché à la singularité du métier d’avocat et aux traditions de ses instances représentatives, celui qui a été membre du conseil de l’ordre de  2019 à 2021 défend une approche plus démocratique, plus sociale au sein du barreau de Paris. C’est avec cette vision qu'il est candidat en 2023. “Sa vision de l’ordre est singulière. Plus moderne. Plus sociale. Il est réellement au service de l’intérêt général. Et s’il veut faire bouger les lignes, ce n’est pas pour autant un révolutionnaire qui tient à tout changer, estime Nicolas Corato, ex-directeur de la communication du barreau de Paris. Je pense qu’il ferait un bon bâtonnier.” Et ça tombe bien. Frédéric Chhum entend de nouveau proposer sa candidature en binôme avec Laure-Alice Bouvier pour représenter les 34 000 avocats parisiens en 2026.

Si je veux être bâtonnier, ce n’est pas pour satisfaire mon ego, mais parce que je trouve que l’ordre ne peut plus être accaparé par un petit nombre de confrères qui appartiennent au même syndicat

Frédéric Chhum

De la rigueur et des méthodes de travail

S’il est profondément passionné par le métier qu’il exerce, Frédéric Chhum n'a pas toujours rêvé de porter la robe. “Je viens d’une famille de médecins (son père) et d’infirmières (sa mère). Je n’ai, au départ, aucun lien avec le monde juridique. J’ai décidé de faire du droit parce que c’était, pour moi, une discipline généraliste qui ouvrait des portes”, reconnaît-il avec humilité. Sans encombre, il passe le CRFPA puis le Capa en 1992. “La toute première fois que je mets les pieds dans un cabinet d’avocats, c’est à l’occasion de mon stage final à l’EFB”, reprend-il, non sans esquisser un sourire. C’est dans les rangs de maisons réputées en droit du travail que Frédéric Chhum découvre la profession et les rouages du contentieux prud’homal. L’étudiant est séduit par le pragmatisme de la discipline. Oui, mais voilà. Le jeune homme a soif d’aventure et veut perfectionner son anglais. Une fois son stage du Capa terminé, il part à Londres. Pendant dix-huit mois, il y multiplie les petits boulots, se forge une expérience unique et acquiert une maîtrise parfaite de l'anglais courant. Pas question cependant de perdre de vue son ambition professionnelle. Lorsqu’il rentre en France, il prête serment et intègre un premier cabinet spécialisé en droit des affaires. Il exerce ensuite au sein de deux autres boutiques d’avocats d’affaires. Toujours en droit du travail.

Le droit du travail dans l'audiovisuel

En 2000, Frédéric Chhum intègre le département social de Deprez Dian Guignot dont l’équipe, composée de trois avocats, intervient principalement dans le secteur audiovisuel. Preuve de l’influence du cabinet : il accompagnera, entre autres, le lancement de la chaîne M6. L’avocat collaborateur s’acclimate progressivement à l’univers des intermittents du spectacle et au monde de la presse et des journalistes. À la fois en conseil et en contentieux. “Nous sommes en 2003. Les intermittents sont massivement en grève lors du festival d’Avignon et je me rends compte qu’il n’existe pas d'ouvrages consacrés au droit du travail des intermittents du spectacle, se souvient-il. Je me dis qu’il serait intéressant d’écrire quelque chose sur cette spécificité à destination des intermittents eux-mêmes, et de mes confrères.” 

“C’est un confrère brillant qui, avec sa vision de la vie et de son métier, étonne, déroute. Il est à la fois très bon technicien et visionnaire.”

Cédric Labrousse, avocat

Le premier livre de Frédéric Chhum est publié chez LexisNexis en 2003. Nicolas Corato, alors éditeur, témoigne : “Pour lui, l’expertise et le savoir doivent être partagés. Très tôt, il donne des informations que d’autres font payer. Tout en ayant conscience, bien sûr, que cela lui permettra d’accroître sa visibilité et sa légitimité dans la discipline.” Fort de son succès, Frédéric Chhum publie un deuxième ouvrage, sur le même sujet, aux éditions Prat en 2004. S’il parfait sa pratique du droit et affine sa capacité à gérer des dossiers, celui qui est alors collaborateur s’intéresse également aux méthodes employées par Deprez Dian Guignot pour renforcer son image et sa présence sur le marché. Il faut dire que, dès les années 2000, ce cabinet – aujourd’hui reconnu comme précurseur en matière de communication – n’hésite pas à développer sa visibilité, entre autres, en diffusant gratuitement de l’information juridique. 

Précurseur en matière de communication

C’est ainsi armé de compétences diverses, d’une dizaine de dossiers personnels et de 20 000 euros sur son compte en banque que Frédéric Chhum pose sa plaque en 2007. Son positionnement ? Le droit du travail de l’audiovisuel (intermittents, journalistes), mais aussi les cadres et les cadres dirigeants, tous secteurs confondus. Côté salarié. “C’est un choix que je fais pour prévenir les conflits d’intérêts. Mais aussi par affinité personnelle et parce qu’il existe un réel besoin, explique-t-il. J’informe mon réseau, mes confrères. Ça fonctionne. On me confie des dossiers, principalement des contentieux complexes et des négociations de départ de cadres.” Conscient qu’il doit faire vivre son nom, devenu sa marque, Frédéric Chhum multiplie les actions de communication : publication d’articles techniques, site internet, visibilité dans les médias…“Il est en avance sur son temps en matière de communication. Il a été l’un des premiers avocats à diffuser son savoir pour le bien commun, même si, bien sûr, l'objectif était aussi de renforcer sa légitimité. Les deux ne sont pas antinomiques, témoigne Nicolas Corato. En cela, il est très malin. Il était par ailleurs bien avant les autres sur les réseaux sociaux.”
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Frédéric Chhum et ses collaboratrices

“ Frédéric ne serait pas un bâtonnier classique. Il casse les codes, parce qu’il n’est pas élitiste.”

Marilou Ollivier, Chhum Avocats

Notre métier est stressant et violent. Il est important de veiller à être en bonne santé, de trouver des sources d'apaisement. C’est nécessaire pour notre propre équilibre, mais aussi pour notre relation avec nos clients et la vie de l’équipe

Frédéric Chhum

La défense des salariés

Le cabinet fonctionne. Jusqu’en 2013, Frédéric Chhum travaille uniquement avec la collaboration de stagiaires et d’élèves avocats. Quatre d’entre elles – Camille Colombo, Mathilde Mermet-Guyennet, Camille Bonhoure, Marilou Ollivier  - deviendront ses collaboratrices. Pour le plus grand bonheur du fondateur : “Elles sont toujours là, dix ans plus tard. Je crois que, ensemble, nous formons l’une des meilleures équipes en contentieux en droit du travail (côté salariés) de la place.” Grâce à leur réelle implication, le cabinet élargit son spectre d’intervention. S’il conserve naturellement son savoir-faire singulier dans l’univers de l’audiovisuel, il exerce progressivement dans tous les secteurs (publicité, syntec, banque). Implanté à Paris, Nantes et Lille, Chhum Avocats jouit aujourd’hui d’une jolie réputation et s’impose sur un grand nombre de contentieux prud'homaux. Soucieux du bien-être de ses collaboratrices, Frédéric Chhum accorde à chacune d’elles pleine confiance et pleine indépendance. 

“Nous sommes considérées. Il nous estime, dans le traitement des dossiers, comme ses égaux, atteste Marilou Ollivier avec affection pour celui qui l’a recrutée en stage il y a plus de dix ans. En parallèle, même s’il est très pris que ce soit dans le cadre de ses responsabilités ordinales ou dans celui des dossiers, il sait être disponible pour répondre à nos questions.”  Une recette qui fonctionne. La preuve : les quatre professionnelles envisagent leur avenir dans le cabinet, Frédéric Chhum ayant proposé l’association à chaque avocate collaboratrice. 

Conseil de l’ordre des avocats de Paris

Engagé au sein de sa boutique, l’homme est également investi dans sa profession. Son premier fait d’armes ? L’organisation d’une manifestation devant le palais de justice de Paris en mars 2014 pour protester contre la fermeture de la blogosphère du Conseil national des barreaux. “Il me semblait incongru de fermer un outil numérique gratuit et réellement utile pour nos confrères, alors même que la société était en pleine numérisation”, se souvient celui qui obtient gain de cause, prenant ainsi conscience qu’il peut faire bouger les lignes. L’avocat se présente alors pour devenir membre du conseil de l’ordre en 2015, en 2017 et sera finalement élu en 2018. Sa mission ? La présidence de la commission DEC (de règlement des difficultés d’exercice en collaboration) : “L’objectif de cette commission est de trouver un accord entre un cabinet et un ou plusieurs collaborateurs. Elle joue un rôle de pacificateur. Cette mission m’a beaucoup apporté sur le plan professionnel, sur la vision que je pouvais avoir de mes confrères, et aussi sur le plan humain et personnel, reconnaît-il. J’ai vu des collaborateurs et des patrons de cabinet pleurer lors de cette commission. Notre profession est très dure. Ce mandat m’a fait évoluer et m’a donné envie de poursuivre mon engagement.” 

Il sera actif également comme délégué du Bâtonnier aux perquisitions en cabinet d’avocats pour défendre le secret professionnel. Lors de son mandat, il présentera notamment deux rapports : un sur la mise en place d’une assurance perte de collaboration généralisée et payée par l’ordre, un second pour renforcer la confiance dans l’institution ordinale et lutter contre les conflits d’intérêts au sein de l’institution. Deux rapports rejetés par le conseil de l’ordre. Peu importe, Frédéric Chhum interpelle, interroge et, lorsqu’il le faut, secoue les mentalités.  

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Frédéric Chhum et ses collaboratrices

“Sa vision de l’ordre est singulière. Plus moderne. Plus sociale. Il est réellement au service de l’intérêt général. Et s’il veut faire bouger les lignes, ce n’est pas pour autant un révolutionnaire qui tient à tout changer"

Nicolas Corato, ex-directeur de la communication du barreau de Paris

“Il ne serait pas un bâtonnier classique”

En 2023, l’avocat se lance à la conquête du bâtonnat. Avec un budget volontairement “low cost” de 4 000 euros, “là où d’autres dépensent plusieurs centaines de milliers d’euros”, explique-t-il. S’il n’est pas élu, il obtient avec sa colistière Christine Maran 1 473 voix sur les 12 229 votants. Soit un score de 12 %. “Je me présenterai de nouveau, assure-t-il. Si je veux être bâtonnier, ce n’est pas pour satisfaire mon ego, mais parce que je trouve que l’ordre ne peut plus être accaparé par un petit nombre de confrères qui appartiennent au même syndicat lui-même financé par l’ordre alors que le Barreau de Paris compte 34 000 avocats. Deux tiers de nos confrères ne votent pas, parce qu’ils ne se sentent pas représentés et parce qu’ils ont une réelle défiance envers l’institution.” Il en est convaincu : pour parler et agir au nom de l’ensemble des avocats parisiens, le barreau doit changer et se montrer plus transparent, plus organisé. Plus à l’écoute des besoins des collaborateurs, aussi. “Il s’inscrit davantage dans la défense de ces derniers, plutôt que dans celle des associés. Cela le distingue clairement des autres candidats”, témoigne Marilou Ollivier.

Pas d’ego surdimensionné pour Frédéric Chhum, donc. Mais une volonté chevillée au corps de faire bouger les lignes. “Nous connaissons une vraie perdition de nos plus jeunes confrères, regrette-t-il, avec force et conviction. Un trop grand nombre décide de quitter la profession au bout de quelques années d’exercice. L’une de mes propositions est notamment d’instaurer vingt-deux jours de télétravail par an opposables au cabinet dans les contrats de collaboration.” Une candidature qui a du sens, selon Nicolas Corato, soulignant l’authenticité et les qualités humaines de l’intéressé : “Il parle de lui comme de son cabinet, de façon réaliste sans jamais être dans le paraître. C’est quelqu’un de bien qui a une vision pour l’avenir.” Et Marilou Ollivier d’assurer avec respect et affection : “C’est certain, Frédéric ne serait pas un bâtonnier classique. Il casse les codes, parce qu’il n’est pas élitiste.” 

Pacificateur

Et parce qu’il aime la simplicité, Frédéric Chhum, lorsqu’il n’a pas le nez dans les dossiers ou la tête dans les affaires du barreau, en profite pour courir – il a terminé trois marathons de Paris – ou pour s’adonner à la randonnée. Et en tant que « vélotaffeur » assumé, l’avocat pédale chaque jour entre Levallois et le neuvième arrondissement de la capitale, où sont situés ses bureaux. Amateur de gastronomie, il aime déjeuner avec son équipe dans les bistrots parisiens. Comme une impérative nécessité de régulièrement relâcher la pression. “Notre métier est stressant et violent. Il est important de veiller à bien manger pour être en bonne santé, de trouver des sources d'apaisement. C’est nécessaire pour notre propre équilibre, mais aussi pour notre relation avec nos clients et la vie de l’équipe. Je suis convaincu que cela permet d’éviter des situations conflictuelles”, note celui qui semble voir, à travers chaque épisode, chaque mission, une source d’amélioration à la fois personnelle et professionnelle. “Il a une vraie capacité à apaiser des situations et en même temps il sait faire preuve d’autorité pour se faire entendre, conclut Cédric Labrousse. C’est un homme d’une grande sincérité qui, au-delà d’être très compétent, est attachant et drôle. C’est une personnalité rare. Il serait parfaitement légitime pour devenir bâtonnier.” Rendez-vous fin 2024, donc. 

"C’est un homme d’une grande sincérité qui, au-delà d’être très compétent, est attachant et drôle. C’est une personnalité rare. Il serait parfaitement légitime pour devenir bâtonnier”

Cédric Labrousse

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