Geneviève Petit : La pionnière du Web

Journaliste reconnue de la planète Web depuis plus de vingt ans, Geneviève Petit détonne par sa vision avant-gardiste et son franc-parler. Fondatrice du média Petit Web, elle réunit régulièrement les cadors du digital à l’occasion d’événements singuliers. Portrait d’une femme libre.
Geneviève Petit est une référence dans l’univers du Web. Dès le milieu des années 1990, alors qu’Internet n’intéresse pas encore les médias, la journaliste, elle, en est convaincue : ce réseau, par son ouverture, transformera notre société. Il révolutionnera notre façon de communiquer, de nous déplacer, de travailler, de consommer… Dotée d’un flair incontestable, celle qui a passé une dizaine d’années au sein de la rédaction de CB News a su se construire une place à part sur la scène médiatique. Jusqu’à s’imposer comme l’une des vigies de l’actualité du digital. Sa singularité ? Sa liberté de ton et son envie de faire bouger les lignes. Véritable touche-à-tout à l’origine, entre autres, des Clics d’Or — pensé comme les Césars du Net au milieu des années 1990 —, Geneviève Petit n’hésite pas à afficher ses convictions. Quitte à être clivante. Peu importe. La journaliste n’est pas du genre consensuelle. « Dans ses interviews comme dans ses prises de position, elle ne donne jamais dans la langue de bois, assure Jean-Sébastien Hongre, fondateur de TeamInside qui compte également parmi les pionniers du Web. C’est rafraîchissant dans une époque où tout est parfois très lisse. » Une analyse franche et décalée qu’elle partage dorénavant dans les colonnes de Petit Web, un média hebdomadaire en ligne créé en 2011.

« Gamins incontrôlables »

Qu’on ne s’y trompe pas, Geneviève Petit n’a rien d’une tête brûlée. Cette Parisienne n’est pas une provocatrice. Mais une intellectuelle férue de littérature qui, depuis son plus jeune âge, s’interroge sur le sens de sa vie. Après avoir brillamment décroché son baccalauréat, la jeune femme intègre Science Po « par devoir familial ». Seulement l’étudiante en économie ne rentre pas dans le moule. Elle rêve d’autonomie. « J’avais une vision d’adulte avant l’âge », explique-t-elle. Une envie de liberté et d’indépendance qu’elle assouvit dans la presse. À la fin de ses études, le journaliste Stéphane Durand Souffland lui conseille de rejoindre la rédaction de Médias, un journal professionnel « punk » au sein duquel elle apprend les bases du métier de journaliste et se découvre un goût pour l’écriture, l’investigation et l’irrévérence. Pas question de brosser les grands patrons dans le sens du poil. Mais plutôt de casser les codes établis. De sortir des sentiers battus et du politiquement correct. « Nous étions des gamins incontrôlables. Je crois que si nos lecteurs aimaient nous lire, c’est parce qu’ils savaient qu’ils allaient être surpris. »

Sujet de prédilection

Quelques années plus tard, après la faillite de Médias, Geneviève Petit connaît une période de chômage. Hyperactive, celle qui ne reste jamais longtemps sans activité accepte plusieurs missions avant-gardiste visant à convertir l’achat d’espaces publicitaires pour la télévision avec la logique des « marchés financiers à terme ». Une expérience marquante pour la journaliste, qui rencontre alors Christian Blachas, le fondateur de Stratégie et de CBNews. Entre les deux, l’entente est immédiate. Si bien que l’entrepreneur lui propose de le rejoindre pour traiter les informations liées à la radio et à l’achat d’espaces publicitaires. Passionnée et méthodique, Geneviève Petit couvre des actualités importantes comme la promulgation de loi Sapin qui, en 1993, bouleverse la réglementation du secteur publicitaire.

« Nous prenions le risque de mécontenter nos lecteurs en soutenant cette loi qui visait notamment à mettre un termes aux pratiques de financement des partis politiques », note celle qui fait toutes les unes de CBNews pendant un an. En parallèle, la journaliste se passionne de plus en plus pour la montée en puissance d’Internet. Jusqu’à en faire son sujet de prédilection. Elle sera d’ailleurs parmi les premiers à traiter la thématique. Peu importe si celle-ci n’intéresse pas encore la sphère médiatique. Geneviève Petit sait que le Web s’imposera bientôt comme un outil incontournable.

« Dans ses interviews comme dans ses prises de position, Geneviève Petit ne donne jamais dans la langue de bois »

Jean-Sébastien Hongre, fondateur de TeamInside

Les Clics d'Or

En 1997, en parallèle de son activité chez CBNews, elle met sur pied les Clics d’Or, une cérémonie de remise de prix visant à récompenser les principaux acteurs du Web. Un succès pour celle qui n’avait pourtant jamais produit d’événements. « C’est sans doute comme ça, en plongeant sans savoir nager, qu’on apprend le plus rapidement », estime-t-elle. En seulement quelques éditions, le rendez-vous réunit des milliers de spectateurs et un jury composé de grands patrons comme François-Henri Pinault ou Arnaud Lagardère. « C’était un peu les Oscars du Web, explique-t-elle. Les Clics d’Or ont changé la donne pour moi. Ils m’ont permis d’acquérir une certaine notoriété. Nous étions notamment diffusés en direct sur RTL.» Christian Blachas lui propose alors de créer un nouveau média entièrement dédié à Internet : CBWeb. Convaincue par l’idée, la journaliste au tempérament fonceur accepte. Seulement voilà : l’univers de la presse commence déjà à vaciller. Pour des raisons économiques, l'initiative est abandonnée et Geneviève Petit est contrainte de quitter CBNews.

« Je crois que mes interlocuteurs ressentent ma liberté. Ils savent que je suis un peu à part »

Geneviève Petit

Téléréalité

Au début des années 2000, la journaliste connaît une nouvelle période de chômage. « Je regardais la Star Académie à la télévision, raconte-t-elle. J’avais envie d’écrire un livre sur le programme et ses coulisses. » Patrick Robin, l’ancien président d’Imaginet, reconverti dans le secteur de l’édition, accepte de soutenir son projet. Avec sa rigueur journalistique et son regard critique, Geneviève Petit mène l’enquête, décortique le phénomène nouveau de la téléréalité, et publie La Face cachée de la Star’Ac en 2005. « Je réalise que la téléréalité a un lien avec le digital, explique-t-elle. Je prends conscience que le monde, petit à petit, se transforme en une somme de communautés d’individus. » En pleine promotion de son livre, alors qu’elle est invitée par plusieurs grands rendez-vous télévisuels, la journaliste, qui n’a alors aucune expérience de mediatraining, découvre l’envers des relations presses. Dans un blog, elle racontera d’ailleurs ces épisodes avec humour et légèreté.

AD Tech

Après la diffusion de son livre, Geneviève Petit se voit confier en 2005 à 2008, l’organisation et l’animation des conférences AD Tech, un rendez-vous incontournable dans l’univers des nouvelles technologies, en France, en Angleterre et en Allemagne. Une expérience qui confirme sa capacité à piloter des événements d’envergure, à mobiliser des intervenants de qualité et à réunir un public varié. Lorsque le projet touche à sa fin, la journaliste, convaincue de l’importance des enjeux liés à l’actualité du digital, contacte à nouveau Christian Blachas et lui propose un projet de newsletter dédié à cette thématique.
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Couvrir l'actualité du marketing interactif

L’homme accepte et lui confie la réalisation de la CBWeb Letter. À travers celle-ci, Geneviève Petit décrypte chaque semaine l’actualité du Web. « C’était formidable d’écrire à propos du Web sur le Web, assure-t-elle. D’autant plus que, à l’époque, nous avions une véritable interaction avec les lecteurs. » Mais, au bout d’un an, l’histoire se répète.  Le projet est abandonné. CBNews contraint de déposer le bilan. Un mal pour un bien. Car la journaliste a dorénavant toutes les clés en main — compétence, notoriété, crédibilité…— pour créer son propre site d’actualité.

Avec Benoit Zante son apprenti chez CBNews, elle lance Petit Web en 2011. « L’objectif était de continuer ce que nous faisions avec la CBWeb Letter, mais d’en faire un vrai média indépendant », explique-t-elle. Un projet qui séduit rapidement les annonceurs. Plusieurs grands groupes, comme M6 lui font confiance et acceptent de soutenir Petit Web. Et comme elle l’a toujours fait, la Parisienne avance « au feeling » et à l’instinct. « Je crois que mes interlocuteurs ressentent ma liberté, explique-t-elle, sans prétention. Ils savent que je suis un peu à part. »

Réunir les cadres de l'ecosystème

En quelques mois, le site d’actualité trouve son lectorat — il compte aujourd’hui 42 000 abonnés — et s’impose comme une référence sur les thématiques numériques et digitales. « La vision de Geneviève Petit sur ces sujets s’inscrit au sein d’une analyse globale, explique Jean-Sébastien Hongre. C’est l’une de ses grandes forces. »

Parce qu’elle a plus d’une corde à son arc, la journaliste, devenue une véritable chef d’entreprise, organise avec Petit Web des événements (1) réunissant chaque année les cadors de l’écosystème ainsi que les plateformes comme Google, Facebook ou Amazon. Une jolie prouesse.

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Une information sans chichi

Parce qu’elle ne se repose jamais sur ses acquis, Geneviève Petit envisage désormais de transformer Petit Web. D’en faire un média plus unique encore, à travers lequel elle pourra partager une analyse lucide de la grande famille du digital et diffuser une information sans « chichi ». Une information à son image : à la fois honnête, irrévérencieuse et colorée. Avec son caractère spontané et son style résolument sympathique, Geneviève Petit ne passe jamais inaperçue. Et si tous les CTO et autres stars du Web la connaissent, ses proches l’assurent : elle ne cherche jamais le devant des projecteurs. Une personnalité rafraîchissante à suivre impérativement.

(1) Chaque année Petit Web organise la matinée « Jardins clos, jardins ouverts », réunissant les grands acteurs du digital et le grand prix de l’innovation digitale. L’entreprise organise en moyenne deux événements par mois.

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