Sabrina Kemel : La pétillante
En 2021, à seulement 36 ans, Sabrina Kemel est nommée associée au sein du département droit social du cabinet FTMS. Une jolie réussite pour cette pragmatique au caractère bien trempé qui accompagne, conseille et défend des entreprises depuis plus de dix ans. Cette avocate engagée qui entend mener pleinement sa vie professionnelle tout en restant chaque jour attentive au bien-être de ses deux enfants en bas âge. Portrait d’une force de la nature.
Difficile de passer à côté du tempérament solaire de Sabrina Kemel. Cette experte en droit social dégage une énergie décapante. Une grande ouverture d’esprit, aussi. Il faut dire que cette Franco-Algérienne aux racines kabyles est fière de son multiculturalisme. Pas question pour celle qui est aujourd’hui une avocate d’affaires accomplie de chercher à dissimuler ses racines populaires. Et pour cause : ce sont ses parents, propriétaires d’un piano-bar au cœur de la capitale, qui, très tôt et sans le vouloir, initieront Sabrina Kemel à la vie de l’entreprise « Je les ai toujours vu redoubler d’efforts, gérer aux mieux la fluctuation des revenus d’un mois à l’autre, avoir peur de tout perdre…» Ce sont eux qui lui transmettront la valeur du travail. Le sens des affaires, aussi. Une vision « de terrain » que l’avocate met aujourd’hui au profit des sociétés et des dirigeants qu’elle accompagne. En contentieux, sur des dossiers sensibles de droit social et de droit pénal du travail. Mais aussi en conseil, à l’occasion de restructurations ou lors de la mise en place d’accords. « C’est une vraie partenaire du quotidien, accessible et bienveillante. Elle ne répond pas au stéréotype de l’avocat d’affaires guindé », témoigne Rémy Delabays, DRH chez SGS France, saluant au passage une femme pétillante, enthousiaste et pleinement investie. Auprès de ses clients, bien sûr. Mais aussi auprès de son équipe et, plus généralement, de tous ceux qui la côtoient. « Elle est engagée à 100% dans tout ce qu’elle entreprend. Elle fait partie de ces personnes qui sont véritablement actrices de leur vie », reconnaît Anne Cardon, une amie de longue date, également avocate. Une force de travail hors norme, une capacité à susciter la confiance de ses proches et une faculté à défendre ses positions avec fermeté – sans, pour autant chercher à en mettre plein la vue – qui valent à Sabrina Kemel d’être nommée associée du cabinet FTMS en 2021. Pas question, pour autant, de bouleverser son quotidien. Cette mère attentive au bien-être de son équipe comme à celui de sa famille, garde les pieds sur terre. Et la tête sur les épaules.
« C’est une vraie partenaire du quotidien, accessible et bienveillante. Elle ne répond pas au stéréotype de l’avocat d’affaires guindé »
Pragmatisme
Si elle est aujourd’hui passionnée par son métier, Sabrina Kemel ne rêvait, enfant, ni de robe ni de prétoire. Son ambition ? Devenir journaliste. C’était sans compter les recommandations de ses proches qui la convainquent de s’inscrire en faculté de droit. Sans compter aussi le modèle de sa grande soeur Sonia Kemel, déjà avocate. « Quand j’arrive à la Sorbonne, je n’apprécie pas particulièrement l’ambiance, se souvient celle qui ne mâche pas ses mots. Je m’ennuie. Les enseignements sont, à mon sens, déconnectés de la réalité. Trop théoriques. Si bien que je me demande ce que je fais là. Mais je continue avec l’idée d’intégrer Science Po. » La découverte du droit du travail, en troisième année, changera la donne : « C’est une révélation. La matière est riche et humaine. Elle me permet de comprendre les difficultés du quotidien pour les salariés comme pour les employeurs. C’est concret et ça me passionne. » Plus de doute, Sabrina Kemel, sera avocate en droit social.
De l’énergie à revendre
A la fin de ses études, la jeune femme, qui n’a ni réseau ni contact privilégié dans le monde des affaires, toque à la porte des cabinets les plus exigeants. Et ça marche. Elle décroche son stage final chez Bredin Prat avant d’être recrutée par un autre cabinet d’envergure : August Debouzy. Pendant un an et demi, l’avocate continue d’apprendre les rouages du métier. L’année 2012 et son arrivée chez Jeantet marque un tournant dans la carrière de celle qui, pour mener à bien les dossiers confiés, travaille sans arrêt : « Je suis passionnée par le métier. J’ai réellement à cœur de me former. » Peu importe le rythme effréné. Sabrina Kemel a de l’énergie à revendre. Et c’est peu de le dire. Car, en parallèle de ses dossiers, l’avocate travaille dans l’établissement de nuit de ses parents. « Je partais du cabinet vers 21 heures pour aller prendre la relève de mon père jusqu'à 3 heures du matin. Je pouvais faire ça pendant plusieurs jours et sur plusieurs mois, se souvient-elle, avant de préciser : Avec du recul, je me demande comment j’ai pu tenir. »
Jean Néret
Son arrivée chez Jeantet marque aussi un tournant sur le plan humain. Et pour cause : elle y fait la connaissance de l’équipe qui deviendra sa « famille professionnelle ». Avec, à sa tête, Jean Néret. Un « grand monsieur », estime-t-elle, esquissant un sourire chaleureux au moment d’évoquer celui qu’elle considère comme son mentor : « Il est très exigeant. Mais il prend le temps de me former. Je reconnais très vite en lui un homme sensible doté de valeurs fortes. » L’intéressé, de son côté, repère très vite le talent de la jeune avocate : « Dans les grands cabinets comme Jeantet, on a besoin de collaborateurs motivés qui n’ont pas peur de se déplacer, de plaider, de convaincre, explique-t-il. Sabrina correspondait à ce profil. Elle avait à la fois de l’énergie, de l’ambition et de l’empathie. Mais aussi une vraie curiosité juridique. » Et si tout semble opposer la fille de commerçants de 26 ans et l’agrégé des facultés de droit au style bourgeois, un élément les unit : le sens de la famille. Une relation unique — « Il est venu à mon mariage et à la fête d’anniversaire de mes 30 ans » — , qui fait entrer la carrière de Sabrina Kemel dans une dimension nouvelle.
« Elle a été formée dans le moule de l’exigence, de la rigueur et de l’imagination juridique. Elle a de très bons réflexes et une vraie intuition »
Le sens de la famille
Aux côtés de Jean Néret et des autres avocats du département droit social — Olivier Angotti et Isabelle Pontal — l’avocate s’épanouit. Elle accompagne et conseille des entreprises de toutes tailles, principalement dans les secteurs du luxe, de l’industrie et de l’hôtellerie. Elle fait preuve d’imagination et de créativité pour venir à bout de situations délicates, lors de la mise en place d’accords ou d’élections professionnelles. Mai aussi pour résoudre toutes les difficultés juridiques que rencontrent ses clients au quotidien. « Elle a une approche très pragmatique qui, à mon sens, s’applique très bien au monde de l’entreprise, assure Rémy Delabays. Le droit, pour elle, n’est pas un élément bloquant. C’est un outil qui nous permet d’avancer et, si nécessaire, de sortir de l’impasse. Avec toujours beaucoup d’éthique. » Autre qualité de l’avocate : « Sa grande capacité d’écoute, estime Aurélie de Marcheville DRH de la société Torraspapel Malmenayde. Elle laisse son client s’exprimer et reformule ensuite pour être certaine d’avoir bien compris une situation donnée. Elle se positionne d’égal à égal, c'est très plaisant. »» « Je crois que ses clients apprécient son franc-parler, confie son amie Anne Cardon. Elle ne passe pas par quatre chemins pour dire les choses. » Si elle exerce en tant que conseil, Sabrina Kemel, la besogneuse, intervient aussi en contentieux, principalement pour des dossiers complexes impliquant des risques psychosociaux ou portant sur des sujets sensibles de droit pénal du travail. Et ce n’est pas pour déplaire à cette oratrice qui aime l’ambiance du prétoire et l’exercice de la plaidoirie.
« Elle laisse son client s’exprimer et reformule ensuite pour être certaine d’avoir bien compris la situation. Elle se positionne d’égal à égal, c'est très plaisant »
Une maturité hors du commun
Huit ans après son arrivée chez Jeantet, l’intégralité du département social — composé de huit avocats — décide de quitter la maison pour rejoindre le cabinet FTMS. Sabrina Kemel suit le mouvement. Sans hésiter : « J’ai passé de belles années chez Jeantet. Mais il était pour moi inenvisageable de quitter l’équipe qui m’a toujours soutenue et fait confiance, y compris lors de mes deux grossesses. D’autant plus que FTMS est un cabinet avec des valeurs, une histoire des personnalités bienveillantes. Je n’avais aucune raison de ne pas tenter l’aventure. » Un changement structurel qui n'altère ni le savoir-faire ni la motivation de Sabrina Kemel. « Elle a été formée dans le moule de l’exigence, de la rigueur mais aussi de l’imagination juridique, témoigne Jean Néret. Elle a de très bons réflexes et une vraie intuition juridique. » Un changement qui n’abîme pas non plus son esprit d’équipe. Devenue counsel, l’avocate gagne en maturité, en technicité et forge son propre style. « Elle ne donne pas dans la langue de bois et n’apporte une réponse que lorsqu’elle est sûre d’elle, témoigne Aurélie de Marcheville. Elle ne fera pas semblant d’être compétente. » « Pour exceller, il faut se sentir bien et aimer son sujet. C'est pour cela que je travaille avec des clients qui m’ont choisie et que j’ai, moi aussi, choisis, explique l’intéressée, avant de souligner avec bonheur : ce qui nous permet de travailler mais aussi d’avoir des moments d’échanges humains et de rire ensemble. C’est un vrai luxe. »
Un échelon supplémentaire
Oui mais voilà, Sabrina Kemel est lucide. Elle le sait : la compétence ne suffit pas pour réussir dans le monde des affaires. « En tant qu’avocat, pour continuer à évoluer et rester indépendant, il faut développer sa clientèle », reconnaît celle qui multiplie les contacts et n’en finit pas d’étendre son réseau. Un rôle de « business developer » naturel, presque instinctif pour cette fille d’entrepreneurs qui, progressivement, convainc des DRH de plusieurs grandes entreprises de lui confier des dossiers. Et ce n’est pas tout. En 2020, son approche concrète du droit, qu’elle partage chaque jour sur les réseaux sociaux, interpelle les médias. Ces derniers la sollicitent alors pour décrypter, vulgariser, analyser des thématiques d’actualité en matière de droit du travail. Il n’en fallait pas plus pour permettre à Sabrina Kemel de gravir un échelon supplémentaire. En juillet 2021, elle est ainsi nommée associée du cabinet FTMS, dont l’équipe de droit social compte dorénavant trois associés et cinq collaborateurs.
Ce qui lui vaut d'être, en parallèle, sélectionnée parmi les trente avocats du dossier « La relève » publié chaque année par le magazine Décideurs. « Cela ne change ni mon quotidien ni ce que je suis », souligne Sabrina Kemel, qui devient alors la seule femme associée de la maison. Pas de quoi déstabiliser l’avocate au tempérament trempé. Sabrina Kemel sait se faire entendre et défendre son point de vue. « Je suis comme un poisson parmi mes associés. Ils sont adorables. J’ai plaisir à travailler mais aussi à discuter de tout avec eux », poursuit-elle précisant au passage que, si elle parvient à venir à bout des dossiers, c’est grâce au soutien et aux compétences de toute une équipe.
Femme, avocate, mère
Une équipe qu’elle n’hésite pas à mettre en avant. À valoriser. Une équipe soudée sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan humain. Un aspect important pour celle qui n’a pas l’intention de sacrifier sa vie de famille sur l’autel des dossiers. Mieux encore : cette femme accomplie et téméraire, qui assume fièrement ses responsabilités de mère, aspire à faire bouger les lignes au sein de la profession. Pas question de dissimuler un rendez-vous chez le pédiatre ou une convocation à l’école. « Je ne vois pas pourquoi je devrais faire semblant. Ni pourquoi je devrais cacher ma volonté de m’occuper de mes enfants », assume-t-elle. En toutes circonstances, Sabrina Kemel reste elle-même : femme, avocate, maman. Une triple casquette qui n’est pas toujours facile à porter : « Je dois penser à beaucoup de choses en même temps. Mais j’essaie d’être présente chaque soir aux côtés des enfants. Je fais en sorte que mon métier ne soit pas un poids pour eux. Cela serait impossible sans mon conjoint qui joue pleinement son rôle. » La clé de la réussite, selon Sabrina Kemel ? Savoir s’organiser, d’une part. Être bien accompagné, sur les plans professionnel et personnel, d’autre part. Mais aussi : avoir de l’ambition sans chercher à écraser quiconque, garder un cap, préserver ses valeurs et viser haut. Et ce n’est pas son amie Anne Cardon qui dira le contraire : « Si elle veut changer les mentalités, c’est pour les autres. Pour ces jeunes collaboratrices qui pensent qu’on ne peut pas être mère et avocate. » « Elle est très complète, ce qui est rare », conclut Jean Néret. Qui dit mieux ?
« Si elle veut changer les mentalités, c’est pour les autres. Pour ces jeunes collaboratrices qui pensent qu’on ne peut pas être mère et avocate »
- Elle est issue d’une fratrie de cinq enfants.
- Son dicton favori ? Il lui vient de son grand-père : « On finit toujours par découvrir ce qu’il y a sous la neige »
- Elle a été ancienne championne de France en gymnastique rythmique.
- Ce qu'elle déteste le plus ? L'artifice.
- Au début de sa carrière, elle exerce la journée comme avocate et la nuit dans le bar de ses parents.
- L’équipe droit social du cabinet FTMS est récompensée dans le cadre du Legal 500 en 2021.
- L'équipe droit social est également mentionnée à six reprises dans les classements du magazine Décideurs en 2021.
- Sa principale qualité en tant qu’avocate ? Sa capacité à mettre en place des stratégies et son goût pour le travail en équipe.
- Son loisir ? La peinture. Un moyen de « faire émerger une énergie créative ».
- Son rythme de vie idéal ? Surtout pas celui où elle serait contrainte de travailler nuit et jour, mais plutôt celui qui lui permet de prendre du recul sur les situations du quotidien. « Je ne suis pas une super woman et ça tombe bien, ça n’a jamais été mon objectif ! »
Crédit photos : François Rouzioux