Valérie Ledoux : La subtile
Depuis six ans, la discrète Valérie Ledoux codirige le cabinet d’avocats Racine, une maison française qui n’en finit plus de grandir. Son secret ? Un savant mélange de détermination et de bienveillance. Portrait d’une managing partner pas tout à fait comme les autres.
Octobre 2022
Une grande humilité. Voilà sans doute le principal trait de caractère de Valérie Ledoux. Mais qu’on ne s’y trompe pas : si, à 58 ans, la comanaging partner du cabinet Racine détonne par sa sensibilité et sa modestie, elle compte bel et bien parmi les avocats les plus talentueux de sa génération. Experte connue et reconnue notamment du contentieux commercial et du droit de la distribution, cette professionnelle exigeante et rigoureuse a su, au fur et à mesure des années et des dossiers, se forger une solide réputation. Celle d’une femme de droit d’une fidélité absolue, qui ne dévie jamais de la ligne de conduite qu’elle s’est elle-même fixée. « C’est une main de fer dans un gant de velours », note Bruno Cavalié, fondateur du cabinet au sein duquel l’avocate aura passé toute sa carrière. « Une personnalité dont émane à la fois de l’authenticité, de la subtilité et une grande intelligence », témoigne de son côté le médecin Irène Frachon, amie de longue date de l’avocate. À la tête du cabinet Racine depuis six ans, Valérie Ledoux pilote avec détermination et bienveillance la croissance de la maison tricolore à Paris qui compte aujourd’hui 200 avocats, dont 72 associés, répartis dans sept bureaux en France et en Belgique.
Sortir de sa coquille
Au départ, rien ne la prédestinait pourtant à diriger une telle structure. Enfant, discrète et réservée, elle ne rêve pas de porter la robe. Encore moins de briller dans les prétoires. « Je me disais que j’étais trop timide pour ça », explique celle qui affiche toutefois un intérêt profond pour la Justice. Elle se lance alors dans des études juridiques, prépare le concours de la magistrature et envisage de devenir juge pour enfants. Seulement voilà, l’étudiante est lucide. Pour espérer « sortir de sa coquille » et vaincre sa timidité, elle doit choisir une autre voie. « Je me suis lancé un véritable challenge, se souvient celle qui décide finalement de passer le barreau. Je ne l’ai jamais regretté. »
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1960 : naît à Paris.
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1984 : s’inscrit au barreau de Paris.
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1986 : rejoint Bruno Cavalié.
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1988 : devient associée du cabinet.
- 2013 : nommée comanaging partner du cabinet Racine.
« Ce qui me motive n’est pas le statut de Mananing Partner mais ce que l’on peut faire avec une telle casquette »
« Un entrepreneur dans l’âme »
Dès sa sortie de l’école au début des années 1980, l’avocate rencontre Bruno Cavalié, un « entrepreneur dans l’âme » alors en quête d’un jeune talent pour rejoindre le cabinet qu’il vient de créer. Si elle est immédiatement séduite par son audace, Valérie Ledoux veut d’abord faire ses armes au sein de structures plus établies. Pendant trois ans, elle apprend les rouages du métier avec Gabriel Sonier et côtoie d’autres grands noms du barreau de Paris comme Jean Veil ou Jean-Michel Darrois, avant de rejoindre Bruno Cavalié en 1986. Ce qu’elle apprécie chez lui ? Son enthousiasme, son intelligence et sa capacité à faire confiance aux autres. À ses côtés, la collaboratrice traite des dossiers de contentieux commercial, de droit de la distribution, de droit pénal ou encore de droit social et s’astreint à un rythme effréné. « Je travaillais parfois pendant des nuits entières », raconte-t-elle. Des efforts rapidement récompensés. En 1988, deux ans seulement après avoir rejoint Bruno Cavalié, elle s’associe au cabinet.
Tenace
Très vite, la structure s’agrandit. De nouveaux associés rejoignent l’aventure. Si bien que, en 1993, le cabinet s’installe place des Victoires, au cœur de la capitale. Valérie Ledoux se spécialise progressivement, fonde le département « Concurrence-Distribution » et gère également les dossiers liés à la propriété intellectuelle et industrielle. Plusieurs entreprises, comme le groupe Adeo (dont fait partie Leroy Merlin), Suez Environnement ou Reed (leader de l’organisation de salons), sollicitent l’expertise et l’analyse de l’avocate depuis de nombreuses années. « Elle est douce en apparence, mais en réalité elle est extrêmement tenace et ne lâche jamais rien, témoigne Frank Lely, CFO d’Adeo, l’un de ses clients depuis plus de trente ans. Travailler avec elle est à la fois plaisant et exigeant. Je ne l’ai jamais vue craquer ou perdre son calme. » Pourtant réservée, Valérie Ledoux multiplie les contentieux et se découvre un talent pour élaborer des stratégies, dénicher des indices, décortiquer des pièces à conviction. Et si au début de sa carrière, cette perfectionniste peine à déléguer, elle réalise progressivement que « c’est en discutant que jaillit la lumière ». Que le travail en équipe est source d’efficacité. Une théorie qui porte ses fruits. « Je peux le dire : j’ai remporté beaucoup de dossiers », affirme-t-elle, sans aucune vanité.
Partager la fonction
En 2000, 80% de l’activité du cabinet est consacrée au contentieux. Les avocats plaident aux quatre coins du pays. Des relais locaux deviennent indispensables. Un premier rapprochement avec un cabinet de contentieux à Bordeaux voit alors le jour. D’autres suivront à Lyon, Marseille, Strasbourg, Nantes et Bruxelles. Au même moment, le cabinet change de nom. Plus question d’afficher les patronymes des fondateurs historiques, le cabinet s’appelle dorénavant « Racine » et s’impose comme une référence dans le monde des affaires. En 2013, Bruno Cavalié ー qui s’est progressivement spécialisé en M&A ー, décide de céder sa place de managing partner et sollicite Valérie Ledoux pour le remplacer. « Je n’ai pas hésité une seule seconde, assure-t-il avec tendresse pour celle qui l’accompagne au quotidien depuis trente ans. C’était une évidence pour moi qu’elle était la bonne personne. » Parce qu’elle n’est pas du genre à se précipiter, l’avocate prend le temps de la réflexion avant d’accepter. À une condition : partager la fonction avec Nicolas Boytchev, un autre associé du cabinet.
« Elle est douce en apparence, mais en réalité elle est extrêmement tenace et ne lâche jamais rien. Travailler avec elle est à la fois plaisant et exigeant. »
« Plus efficaces à deux »
« Je savais que nous serions complémentaires, confie-t-elle. Ce qui me motive n’est pas le statut de Mananing Partner mais ce que l’on peut faire avec une telle casquette. Je pense qu’on est bien plus efficaces à deux. » Une fonction de comanaging partner qui occupe aujourd’hui la moitié de son temps. Sa mission ? Poursuivre la dynamique initiée par Bruno Cavalié pour faire grandir l’entreprise. Mais pas n’importe comment. Pas question de « grossir pour grossir », mais plutôt d’approfondir les secteurs déjà couverts par le cabinet et de s’étendre à l’international en multipliant réseaux et partenariats. Et tout comme son prédécesseur, Valérie Ledoux attache de l’importance à la qualité des associés susceptibles de rejoindre la structure. « Nous ne cherchons pas des clones, mais des personnes qui nous feront progresser en nous apportant des compétences et une vision différentes, explique-t-elle. Cette notion de complémentarité me passionne. »
Un projet commun
Un état d’esprit faisant de Valérie Ledoux une dirigeante à part dans l’univers parfois impitoyable des cabinets d’avocats. Une meneuse d’hommes qui ne cherche pas à valoriser ses propres succès, préférant porter haut les couleurs de toute une maison. « Elle ne se met jamais en avant, affirme Bruno Cavalié. Racine est pour elle un projet commun. » Une vision qui expliquerait, selon lui, la fidélité des associés, la plupart d’entre eux ayant passé toute leur carrière au sein du cabinet. Une jolie réussite pour Valérie Ledoux. En l’espace de trente ans, celle-ci aura su faire oublier la petite fille timide pour s’imposer comme une avocate chevronnée capable de fédérer autour d’elle une équipe à fois fidèle et performante. Une équipe qui n’a pas fini de s’agrandir. « Toute seule, je vais vite, ensemble nous allons plus loin », conclut la comanaging partner, sourire aux lèvres. Comme une ode à l’échange et au partage.
- Sa principale qualité en tant qu’avocate ? Sa capacité à mettre en place des stratégies et son goût pour le travail en équipe.
- Son loisir ? La peinture. Un moyen de « faire émerger une énergie créative ».
- Son rythme de vie idéal ? Surtout pas celui où elle serait contrainte de travailler nuit et jour, mais plutôt celui qui lui permet de prendre du recul sur les situations du quotidien. « Je ne suis pas une super woman et ça tombe bien, ça n’a jamais été mon objectif ! »
Crédit photos : François Rouzioux