Valentin Tonti-Bernard : L’indestructible
Mais qui pourrait bien arrêter Valentin Tonti-Bernard ? Il n’a que 26 ans, en 2020, lorsqu’il fonde Anomia, un podcast destiné aux avocats. Mêlant humain et business, le média trouve très vite son public. Fort de cette réussite, l’entrepreneur, reconnu pour sa détermination et son regard avisé sur le marché, imagine, dans la foulée, une société de formation et de conseil pour aider les avocats à développer leur activité. Le succès est sans équivoque puisque, en deux ans, la société aura accompagné 650 robes noires et une centaine de cabinets. Portrait d’un homme d'affaires aussi décomplexé que sympathique.
Juin 2023
Valentin Tonti-Bernard, c’est une force. La force de ceux qui avancent. Quoi qu’il arrive. Peu importe les obstacles ou les difficultés. La preuve : à 28 ans, cet entrepreneur s’impose désormais comme une figure marquante de l’univers des cabinets d’avocats. L’objet de sa notoriété ? Anomia, le podcast qu’il fonde en 2020 et à travers lequel il tend, chaque semaine, le micro à des avocats connus, ou moins connus. Sans faux semblant. Anomia est à l’image de son fondateur : cash, business, vivant. Et ça plaît. En quelques mois, les épisodes comptent des dizaines de milliers d'écoutes. Si bien que Valentin Tonti-Bernard gagne en légitimité et se familiarise avec des avocats emblématiques comme Jean-Michel Darrois, qui n’hésite pas à saluer son intelligence et la finesse de son analyse. Conscient que la profession a besoin de parler de stratégie, de croissance, d’acquisition ou encore de communication, l’entrepreneur crée, dès 2020, une société de formation puis de conseil. Le but ? Épauler les avocats dans la structuration et le développement de leur activité.
« Il s’intéresse sincèrement aux autres et à leurs problématiques, explique son associé, Jérôme Uthurry. C’est ce qui lui permet d’avoir de vraies bonnes idées business. » Mais pas question pour Valentin Tonti-Bernard de se reposer sur ses acquis. « Mon objectif, à terme, est de créer une centaine de sociétés et d’y placer, à chaque fois, à leur tête, un entrepreneur de talent », affirme, avec l’immense sourire qui le caractérise, cet hyperactif curieux de tout. Pas de fausse pudeur chez ce self-made-man qui affiche sans complexe sa volonté de marquer son temps. Peu importe si cela bouscule les esprits. Valentin Tonti-Bernard ne travestit pas sa personnalité pour plaire. Le Lorrain d’origine italienne est un homme fidèle. Aux autres comme à lui-même. Et il assume tout. Ses projets, son tempérament clivant, son goût des affaires, ses potentielles erreurs, ses ambitions, faisant ainsi oublier à son interlocuteur son handicap. Difficile à croire et pourtant : Valentin Tonti-Benard est malvoyant de naissance. Un poids lourd à porter ? Pas franchement. « Cela n’a jamais été ni une entrave ni une limite dans mes projets. Tout le monde a un handicap. Il peut être physique, social, mental, émotionnel… Il faut faire avec et avancer », soutient ce battant qui ne se définit, ô grand jamais, par son handicap, préférant souligner avec gratitude les armes qui lui ont été données dès son plus jeune âge : les codes sociaux et une certaine intelligence émotionnelle.
J’ai été interpellé par sa capacité à comprendre notre métier, à l’analyser puis à dire ce qu’il pensait avec une grande franchise. C’est un séducteur mais il n’est pas courtisan. Il ne donne jamais dans la flagornerie.
Déterminé
« J’ai grandi dans un mélange de cultures, avec des valeurs très fortes autour de la famille et du travail », raconte ce fils d’avocats qui, dès son plus jeune âge, aspire à porter la robe. Basé à Nancy, le jeune Valentin Tonti-Bernard suit des études de droit et, malgré son handicap – qui l’oblige à apprendre par cœur les articles qui figurent dans les codes des différentes matières – passe les années les unes après les autres, « Ça n'a pas été facile pour ce qui est de l'apprentissage, mais ça m’a permis d’acquérir une vraie vivacité d'esprit », explique cet optimiste qui sera stoppé net en 2018, quelques mois avant le concours du CRFPA. Ses demandes d'aménagement de l’examen sont refusées par le ministère de l’Enseignement supérieur. Une affaire qui interpelle la presse et provoque l’ire de l’opinion publique. Pas question pour Valentin Tonti-Bernard de s'appesantir sur son sort. Encore moins de se positionner en victime. Déterminé, il accepte la situation et envisage une carrière dans l’immobilier. C’était sans compter cet épisode du podcast La crème de la crème – présenté par Pauline Laigneau et à travers lequel des entrepreneurs racontent leur parcours – qui changera sa vie.
Jacob
L’épisode en question ? Réfléchir en stratège et agir en sauvage - Apprenez la vraie vie des affaires avec Jacob Abbou. Une révélation pour l’ex-étudiant en droit qui n’a, alors, qu’une obsession : rencontrer Jacob Abbou, cet homme d’affaires fort en gueule, figure de l’automobile française qui, en 2018, est propriétaire de plus de cinquante sociétés. « Je suis convaincu que c’est la rencontre qui va changer ma vie, raconte Valentin Tonti-Bernard. Je cherche par tous les moyens à le rencontrer… Jusqu’au moment où je réalise qu’il est mentor dans le cadre du master : X-HEC Entrepreneurs*. »
Ni une ni deux, il se met en tête de passer le concours pour rejoindre le cursus. Et ça marche. Le jeune homme intègre la promotion 2019. Alain Bloch, le directeur scientifique du master se souvient de sa première rencontre avec Valentin Tonti-Bernard, sourire aux lèvres : « Dès les oraux, il m’explique que, pour lui, HEC est une école de “fils à papa” complètement artificielle qu’il se fiche de l’enseignement dispensé et que s’il est là c’est uniquement pour rencontrer Jacob Abbou. » Un franc-parler qu’Alain Bloch n’est pas près d’oublier. Séduit par la détermination et le charisme de Valentin Tonti-Bernard, l’homme orchestre la rencontre entre l’étudiant et le businessman. Un moment clé dans la vie des deux hommes qui, à partir de l’année 2019 – et jusqu’au décès de Jacob Abbou en 2022 –, ne se quitteront plus.
Penser différemment
Aux côtés de ce chef d’entreprise de renom, avec qui il noue des liens particulièrement forts, Valentin Tonti-Bernard découvre qu’il peut réfléchir différemment, créer ses propres méthodes, sa propre vision du monde : « Il m’a désappris tout ce que je croyais connaître. Il est très décomplexé sur les questions financières. Il m’a inculqué sa façon de penser. Sa leçon qui restera gravée dans ma mémoire ? “Il ne faut pas chercher à faire des économies, mais chercher à gagner plus d’argent.” » Au-delà de lui offrir un éclairage avisé, Jacob Abbou lui ouvre également son impressionnant carnet d’adresses et l’introduit auprès de grands patrons parmi les plus influents du pays. Valentin Tonti-Bernard devient progressivement un membre à part entière de la famille Abbou. Si bien que, au bout d’un an, dès la fin du cursus X-HEC Entrepreneurs, le businessman lui propose de prendre la tête d’une de ses sociétés en Espagne. Une occasion en or pour celui qui n’a alors que 26 ans. Mais Valentin Tonti-Bernard veut tracer sa propre voie ici, à Paris.
Il s’intéresse sincèrement aux autres et à leurs problématiques. C’est ce qui lui permet d’avoir de vraies bonnes idées business
« Je veux mieux comprendre le métier »
À la même période, au détour d’échanges informels avec des camarades de promotion – notamment Jérôme Uthurry qui deviendra son associé –, Valentin Tonti-Bernard évoque ses études de droit, ses parents avocats, ses amis avocats… « Je réalise que j’ai envie de mieux cerner cet univers, je suis curieux de rencontrer ceux qui réussissent dans le métier, de parler avec eux de leur activité, de leur histoire, de leur parcours… C’est comme ça, et très naturellement, que naît le podcast Anomia. » Au fur et à mesure des interviews, le projet gagne en visibilité et forge sa notoriété dans l’univers juridique. « J’ai été interpellé par sa capacité à comprendre notre métier, à l’analyser puis à dire ce qu’il pensait avec une grande franchise, confirme Jean-Michel Darrois. C’est un séducteur mais il n’est pas courtisan. Il ne donne jamais dans la flagornerie. » Le constat de Valentin Tonti-Bernard est clair : les avocats connaissent le droit, mais ne maîtrisent ni le marketing, ni la gestion, ni la vente, ni les sujets d’acquisition. Des disciplines pourtant essentielles lorsqu’il s’agit de développer une activité et de piloter sa propre structure. Alors, dès janvier 2020, il crée, en marge du podcast, des formations pour transformer l’avocat en entrepreneur.
Une formation opérationnelle
Pas question de partir tête baissée dans un projet coûteux. Valentin Tonti-Bernard est un fonceur, mais pas un « risque tout ». Avec le concours de trois intervenants, il imagine d’abord une simple formation à distance. Crise sanitaire oblige. Au cœur de cette toute première session quelque peu artisanale ? Des ateliers pratico-pratiques visant à aider les avocats à structurer leur activité. Grâce à la visibilité du podcast, les treize places disponibles sont vendues en un temps record. Dès la fin de cette formation « test », le bouche-à-oreille bat son plein. Plusieurs d’avocats – principalement des indépendants dont le chiffre d’affaires oscille entre 20 000 et 200 000 euros – veulent participer à la prochaine session. Valentin Tonti-Bernard professionnalise les ateliers, ouvre chaque mois de nouveaux modules et construit une véritable méthode. Pour cela, il peut compter sur la complicité de son ami, devenu son associé, Jérôme Uthurry. « On fait travailler les avocats de façon très rigoureuse sur leur business model, ce qui leur permet de repartir avec un plan opérationnel qu’ils peuvent mettre en place de façon concrète dans leur quotidien », explique l’entrepreneur, précisant au passage que les participants rentabilisent leur formation en seulement trois semaines. Parce que les besoins des indépendants et des collaborateurs ne sont pas les mêmes que ceux des associés, Anomia propose deux formations différentes : Boost pour les premiers, Business Partner pour les seconds.
« Il a toutes les clés pour devenir un entrepreneur à succès. Quand on est déterminé comme il l’est, avec cette persévérance, ce côté indestructible, mais aussi cette profonde intégrité et cette bienveillance, on finit toujours par y arriver »
Une croissance de 350%
Le concept plaît. Certains avocats, désireux d’aller plus loin, sollicitent Anomia pour appliquer le plan opérationnel imaginé pendant les formations. Pas de souci pour Valentin Tonti-Bernard et Jérôme Uthurry qui créent une offre « sparring partner ». Conscients qu’ils peuvent aider des structures de façon régulière et sur des sujets variés, ils mettent en place, en marge des formations, un service d’accompagnement sur le long terme. Comme un cabinet de conseil classique. Résultat : l’activité se développe en un temps record. « Dès la première année, Anomia connaît une croissance de 350 %, assure Valentin Tonti-Bernard, avant d'ajouter avec l’enthousiasme qui le caractérise : c’est un vrai carton ! » En quelques mois, le projet se transforme en une société florissante et prometteuse qui emploie neuf collaborateurs et s’installe dans des locaux professionnels au début de l’année 2022. Stratèges et conscients de la valeur qu’ils ont généré en un temps record, les deux associés pensent à la suite. « Notre objectif, à ce moment-là, était d’adapter notre modèle économique, de le caler sur le type de société qui serait susceptible, à terme, de nous racheter, explique Valentin Tonti-Bernard. Et nous savions que ce serait soit un cabinet de conseil, soit un média, soit une société de logiciel. » Objectif : choisir un axe avant la fin de l’année 2022 pour être en mesure de vendre Anomia en 2025. Oui mais voilà, l’information circule vite, très vite. Xelya, une société experte des systèmes d’information affiche immédiatement son intérêt et se positionne. Après quelques négociations, les entrepreneurs cèdent 100 % de leur entreprise en octobre 2022. Avec cette acquisition, Xelya entend offrir un service qui combine conseil, formation et numérisation des cabinets d’avocats. Une belle opération pour les deux entrepreneurs qui continuent de développer les produits d’Anomia au sein d’un groupe en plein essor, disposant alors d’un confortable statut de salariés.
« Quelque chose brûle en nous »
Oui, mais voilà, impossible pour ces deux avides de projets de profiter tranquillement d’un confortable statut. « Quelque chose brûle en nous. On a envie de continuer à créer et développer des entreprises », assure Valentin Tonti-Bernard qui, en parallèle de sa fonction au sein du groupe et en accord avec celui-ci, imagine de nouvelles activités, de nouvelles offres toujours destinées à l’écosystème des cabinets d’avocats. Avec son associé, il monte alors deux autres entreprises : Neria, un cabinet de recrutement et Ourama, une société de création de sites internet.
Et parce qu’il sait qu’il ne peut pas tout faire, il délègue la direction et la gestion de ces antennes à des personnes de confiance. Des entrepreneurs qui ont la même vision des affaires et la même envie de réussir que lui. Et encore une fois : ça fonctionne. Neria et Ourama connaissent rapidement une croissance significative. Véritablement féru d’entrepreneuriat, Valentin Tonti-Bernard a l’intention de démultiplier les projets. Dans le monde du droit, mais pas que. Ce curieux qui aime découvrir de nouveaux univers semble n’avoir aucune limite. Il peut créer un nouveau service à destination des avocats, comme il peut développer, dès demain, une société de cidrerie. Rien n’est impossible avec Valentin Tonti-Bernard. Pour le plus grand bonheur de ce besogneux qui travaille parfois jour et nuit. « Il ne voit pas vraiment ce qu’il fait comme un travail, rectifie son associé. Il aime créer et développer des entreprises, ça l’amuse. Sa force moteur, son côté bulldozer lui permettent de faire avancer les projets qu’il entreprend. » « Il a toutes les clés pour devenir un entrepreneur à succès, assure Alain Bloch, avec amitié et non sans une touche d’admiration. Quand on est déterminé comme il l’est, avec cette persévérance, ce côté indestructible, mais aussi cette profonde intégrité et cette bienveillance, on finit toujours par y arriver. » On n’a donc pas fini d’entendre parler de Valentin Tonti-Bernard.
*Le master X-HEC Entrepreneurs est programme conjoint entre HEC Paris et l’école Polytechnique et à travers lequel les étudiants sont immergés dans la réalité de l’entrepreneuriat.
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Anomia, Neria, Ourama… Les sociétés qu’il fonde avec son associé font systématiquement référence à des noms de dieux ou déesses grecs mineurs.
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Ses deux parents sont avocats à Nancy. L’un en pénal, l’autre en social.
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Il écrit Step by Step, prendre la vie comme elle vient, en 2022, un ouvrage à travers lequel il revient sur son handicap, son impossibilité de passer le concours d’avocats et la détermination avec laquelle il fonde Anomia.
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L’épisode du Podcast avec Jean-Michel Darrois comptabilise plus de 33 000 écoutes. Un record.
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Il pratique la boxe, aime les montres et le bon vin.
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« Ne pas avoir pu passer le CRFPA a été, en réalité, une énorme chance »